Marina Poiroux : «La semence doit être liée à un terroir»
Avril 2019
Marina Poiroux est Directrice de la Fondation Léa Nature. Dans le cadre de notre campagne sur l’engagement, nous l’avons interviewée en tant que partenaire et mécène de notre association. Très active sur les questions des semences et de l’agroécologie, Marina nous en dit plus sur l’engagement de la Fondation !
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre métier, les actions de votre Fondation, et ses engagements ?
Bonjour, je suis Directrice de la Fondation Léa Nature/Jardin Bio, qui a pour objectif d’accompagner des projets de protection de l’environnement, principalement liés à la souveraineté alimentaire et aux problématiques de santé et d’environnement. Cette Fondation existe depuis 2011, elle a été créée dans le cadre d’un engagement plus global du Groupe Léa Nature, son engagement Mécénat, Nature et Biodiversité puisque Léa Nature donne 1% du chiffre d’affaire de ses marques biologiques à des associations de protection de l’environnement depuis 2007.
Par le biais de l’organisme 1% Pour la Planète ?
Oui nous sommes adhérents au 1% pour la planète depuis 2007. A chaque fois qu’une nouvelle marque intègre le collectif, 1% de son chiffre d’affaire est fléché sur des associations de protection de l’environnement. C’est vraiment un engagement très fort qui fait partie de l’ADN de l’entreprise Léa Nature.
Pourquoi votre Fondation a-t-elle décidé de soutenir les actions de SOL ? Et en quoi les actions de SOL font écho à la philosophie de la Fondation Léa Nature Jardin Bio ?
Parce que l’association dédie ses activités à la protection de la nature via l’agriculture écologique. Chez nous en France, mais aussi dans des pays comme le Sénégal ou l’Inde, il faut que les communautés, les populations restent indépendantes et acquièrent une autonomie alimentaire. Et puis il y a le côté aussi humain qui est très développé chez SOL. Solidarité, agriculture écologique : ce sont des valeurs auxquelles nous sommes très sensibles. SOL privilégie les partages d’expériences entre la France et d’autres pays et cela me semble important à valoriser. Nous ne sommes pas tous seuls chez nous à essayer de faire bouger les choses et là il y a une complémentarité intéressante.
Et quel est le projet de SOL qui vous tient le plus à cœur ? Celui pour lequel vous auriez une petite préférence ?
Moi, je trouve qu’il y a une vraie complémentarité entre les trois zones du projet Biofermes, que l’on soutient. Sinon, je ne peux pas dire qu’il y en ait un qui me tienne plus à cœur qu’un autre. Ils sont très liés et on voit que dans différentes parties du Monde il y a des personnes qui s’engagent pour cette fameuse souveraineté alimentaire, pour ne pas être en dépendance sur les intrants, en dépendance sur les semences. Quand je suis allée en Inde voir la partie Indienne du projet Biofermes, j’ai eu l’occasion de visiter la ferme de Vandana Shiva, j’étais très très impressionnée quand j’ai visité la banque de semences. Les semences sont quand même à l’origine de beaucoup de choses et les protéger c’est un engagement très fort et c’est très symbolique en fait, cela m’a vraiment frappée, cela m’a même émue.
C’est donc le projet Biofermes que vous avez visité dans son intégralité ?
Oui, nous soutenons les trois zones du projet Biofermes : je connais la Ferme de Sainte-Marthe en Sologne, je suis allée au Sénégal au mois d’octobre et un an avant j’étais sur le projet Inde. Ce que j’ai ressenti pour les différents projets et les personnes qui travaillent sur ces projets-là, c’est que ce sont en fait des garants de la « précieuseté » des semences. Ce côté précieux, qu’il faut conserver, qu’il faut protéger chez soi, bien au chaud, bien précieusement, la transmission de ces semences entre agriculteurs et agricultrices m’ont fait comprendre le rôle si important que jouent ces gardiens de semences.
Votre Fondation soutient SOL depuis 2013, pouvez-vous nous parler de cette confiance renouvelée chaque année à notre association ?
Ce qui est intéressant, c’est que SOL est une association qui s’adapte aussi aux problématiques sociétales. Elle a su prendre un virage lié à l’agriculture, à l’agroécologie, mais en observant ce qu’il se passait au niveau sociétal. Il y a eu une prise de conscience sur le fait qu’il fallait être acteur au niveau social pour que les semences soient bien protégées, pour que la souveraineté alimentaire puisse se développer. Ce qui me plait chez SOL c’est qu’il y a une remise en question, une volonté d’avancer par rapport à la société et c’est important.
Ces dernières années, comme vous l’évoquiez plus tôt, vous avez eu l’occasion de visiter les trois parties du projet Biofermes internationales. Que retenez-vous de ces visites ? Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Que ce soit l’Inde, la France ou le Sénégal, il y a des personnes qui sont vraiment très investies et qui au quotidien vivent de cette volonté d’autonomie alimentaire, et ce, même s’il y a une pression énorme de l’extérieur qui voudrait qu’on achète tout transformé ou qu’on devienne consommateurs et non producteurs. C’est intéressant et ce que j’ai ressenti aussi c’est la fierté de ces gens-là pour leur projet. Cela donne beaucoup de sens à leur activité et à leur quotidien. Il y a une pression de la société qui fait que, qu’il s’agisse de l’Inde ou du Sénégal, les jeunes ils ont envie de partir des campagnes pour la ville, voire plus loin, venir en France, en Europe. Et ces projets redonnent du sens et des valeurs à leur territoire et aussi à leur terroir.
Est-ce qu’il y a un moment marquant dans ces visites que vous aimeriez partager avec nous ? Une anecdote ?
Je parlais de la banque des semences de la ferme de Vandana Shiva : Navdanya. C’était vraiment un moment très fort au niveau émotionnel. Ainsi que les moments de partage avec les femmes que nous sommes allés visiter. Je parlais tout à l’heure de cette « précieuseté » des semences. Les femmes nous ont montré ces semences qu’elles récoltent et mettent de côté chaque année, dans leur maison. Quand elles nous les montraient, on pouvait sentir que c’était pour elles quelque chose d’extrêmement précieux. Toutes ces choses-là additionnées m’ont beaucoup marquée.
SOL permet cette prise de conscience : sur le fait qu’il faut capitaliser sur ces semences, qui sont des vrais vecteurs de vie. Ce qui est intéressant aussi c’est que cela créée de vrais jardins d’Eden. Le résultat est vraiment intéressant pour les jardins des particuliers ou collectifs, comme au Sénégal. C’est une source de vie, source d’activité collective, c’est productif, sans intrants chimiques, et donc le lien se fait naturellement avec l’alimentation et la santé.
Et pour finir, qu’est-ce que votre engagement auprès de SOL a, ou a pu apporter à votre Fondation ?
Cela nous a permis de voir le lien fort qu’il existait entre notre agriculture et celle des autres pays comme le Sénégal ou l’Inde. Il y a eu eu des verrouillages chez nous comme ailleurs et il faut essayer de faire sauter ces verrous. Nous ne sommes pas autocentrés chez nous, il y a d’autres pays où il faut accompagner des projets et des structures pour qu’elles arrivent à prendre leur envol et à faire connaître leurs droits, à lutter aussi. Il est possible de mutualiser ces combats sur différents pays : SOL nous a permis d’avoir une vision plus globale sur cette problématique des semences et de transition agricole.
Nous sommes rentrés dans un système agricole que nous ne souhaitons pas aux autres pays. Malheureusement, eux-aussi sont rentrés dans un système agricole. Sauf que la différence c’est qu’au Sénégal ou en Inde, il y a beaucoup plus de personnes qui vivent de l’agriculture que chez nous, donc cela affecte d’autant plus leur économie et les communautés.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J’ai vraiment trouvé intéressant d’aller voir les projets sur le terrain. La réglementation autour des semences est assez nébuleuse pour un néophyte, c’est très compliqué. Mais à partir du moment où on conscientise que la semence doit être liée à un terroir et non à une transformation génétique, à partir du moment où on comprend n’importe quelle transformation ne permettra pas d’adapter une semence à un terroir, on comprend l’importance et l’enjeu qu’il y a autour de cela.
Et le leurre sur toutes ces semences génétiquement modifiées, c’est qu’elles vont effectivement à un instant T vont être productives mais on ne pourra pas replanter. Cette mise en dépendance touche énormément de personnes, dans le monde entier, dans le monde agricole.
On ne peut pas réutiliser les semences transformées, alors que quand on utilise des variétés anciennes on peut reproduire les semences et ce système de reproduction permet une adaptation au sol, au territoire. Les projets qui sont soutenus par SOL sont très liés aux territoires et aux communautés, elles-mêmes très attachées au territoire.
Sur le projet Sénégal, ce qui m’a impressionnée, c’est cette résilience qu’il y a autour du projet, sur le fait que ce soit dans une zone difficile au niveau culture : le désert avance, et malgré cela il y a quand même une volonté de dire « on va faire autrement, et on peut faire autrement ». Pour éviter cette avancée du désert, pour que les jeunes restent sur place et que cela se transforme en projet économique.
Ce que je trouve intéressant chez SOL c’est aussi le fait d’amener une structure à certaines organisations qui ont besoin de ce support organisationnel. Des structures qui sont très terrain mais qui parfois ont du mal à « dézoomer » pour savoir comment elles vont s’organiser, quels sont les moyens humains et financiers nécessaires. Le rôle de SOL est très important auprès des structures associatives.
J’imagine qu’il y a d’autres associations sur les mêmes thématiques que vous soutenez ?
Oui sur l’agroécologie, notamment au Maroc, où nous travaillons avec Terre & Humanisme. Ce qu’on essaye de faire en France aussi, c’est de soutenir des projets qui vont prouver, entre guillemets, que l’agroécologie ce n’est pas seulement faite pour les petites fermes. Parce qu’aujourd’hui c’est toujours ce qu’on s’entend répondre, alors que l’agroécologie peut nourrir tout le monde ! On essaie aussi de soutenir des projets sur des fermes plus grosses. Mais globalement nous soutenons pas mal de projets liés à l’agroécologie ou la permaculture. Beaucoup en national et puis dans d’autres pays d’Afrique et d’Amérique du Sud. Nous avions lancé un appel à projet sur les semences il y a 4 ou 5 ans avec la Fondation et on a travaillé avec quelques organisations sur ces thématiques ! Quand on commence à tirer la pelote, on se rend compte qu’il y a un écosystème extraordinaire sur le sujet.
De la graine jusqu’à l’alimentation !
Tout à fait !
Merci beaucoup Marina pour cet interview que vous nous avez accordé !
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