Le projet de loi de (dés)orientation agricole arrive au Sénat
Février 2025
Le Sénat examine à partir de demain le projet de loi “d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture”. Un texte qui frappe par l’écart abyssal entre ce que son nom indique : préparer la relève agricole et répondre aux défis climatiques, et ce que son contenu prévoit finalement. Alors que près de la moitié des 496 000 agriculteurs [1] partiront à la retraite d’ici cinq ans, un tiers pourrait ne pas être remplacé, faute de mesures à la hauteur, malgré les alertes des acteurs du secteur.
Renouveler les générations agricoles, vraiment ?
Malgré plus de 2 ans de dialogue avec le gouvernement, ce projet de loi révèle que l’ambition de renouveler les générations agricoles, présentée comme prioritaire, n’était en réalité qu’un affichage sans véritable substance.
Certes, une réforme du parcours d’accompagnement est prévue, dont les principes essentiels de pluralisme ont été gravés grâce à notre mobilisation en première lecture à l’Assemblée, mais elle reste timide et insuffisante. Faute de mesures fortes sur les dispositifs de test d’activité et de formation pratique ou le soutien financier aux projets d’installation et de transmission ainsi qu’aux acteurs l’accompagnant, cette réforme ne répond pas aux besoins des futurs agriculteurs et agricultrices. Pire encore, elle ne prévoit aucune mesure sur l’accès à la terre, un obstacle majeur pour celles et ceux qui souhaitent s’installer en agriculture.
Quant aux rares amendements apportés en commission des affaires économiques du Sénat, ils renforcent avant tout le rôle des Chambres d’agriculture, au mépris des recommandations d’instances publiques de référence – CGAAER, Cour des Comptes, CESE – qui appellent à une implication directe de tous les acteurs. En l’état, le « guichet unique » annoncé pour janvier 2026 repose sur des bases fragiles : faute de reprise des discussions inter-acteurs depuis juillet, les acteurs de terrain n’ont toujours pas obtenu les réponses et garanties nécessaires à un fonctionnement effectif et pluraliste du parcours, et les moyens alloués à l’accompagnement à l’installation restent bien en deçà des besoins. Ces éléments détermineront pourtant la participation de ces acteurs au futur parcours qui a besoin, pour fonctionner en tant que guichet unique, que tous y adhèrent.
Régressions environnementales : une menace directe pour l’agriculture et l’alimentation
Par ailleurs, cette maigre réforme est inscrite dans une loi d’orientation, censée fixer le cap de l’agriculture française pour les 10 prochaines années. L’accompagnement à l’installation ne peut se penser sans une approche véritablement systémique qui intègre les défis climatiques et environnementaux, l’amélioration des revenus agricoles ou encore le soutien aux filières locales.
Pourtant, le projet de loi n’est en l’état que contradiction : il prétend relever le défi climatique en s’appuyant sur des principes posés en matière de souveraineté alimentaire qui célèbrent la compétitivité sur les marchés internationaux, s’éloignant toujours plus de la définition de l’ONU. Il entérine des reculs préoccupants : réduction du soutien aux systèmes agricoles durables, dont l’AB, régressions en matière de protection des haies, et de la régulation des ICPE… Dans un contexte où les motifs d’installation se trouvent dans des vocations à produire sur des systèmes durables, comme en agriculture biologique, ces reculs environnementaux envoient un signal désastreux aux futurs paysans et paysannes et constituent de nouveaux freins au renouvellement agricole.
Une situation préoccupante face à la multiplication des attaques contre les associations, agences et instituts engagés dans des démarches de soutien à cette indispensable transition, face aux réductions des moyens alloués aux agences engagées dans la transition écologique, et face aux reculs significatifs en matière de politiques environnementales.
Quelle orientation, au fond ?
De nombreuses études le montrent : augmenter le nombre de paysans et paysannes est un impératif pour assurer la transition écologique de l’agriculture française et répondre aux besoins alimentaires des territoires. Pourtant, le gouvernement se contente de viser un maintien du nombre de fermes au niveau de 2020, comme le stipule l’article 8 du projet de loi et ce, sans contrainte. Au-delà des chiffres, nos demandes sont claires : donner des moyens suffisants, garantir une participation effective de tous les acteurs et toutes les actrices à un parcours d’installation-transmission pluraliste, et encourager le développement de systèmes agricoles durables.
Nous appelons les sénateurs et sénatrices à amender le texte de façon cohérente pour répondre aux défis de notre agriculture et aux besoins des futurs agriculteurs et agricultrices.
Contacts presse :
-
Salomé Le Bourligu, responsable des partenariats et du plaidoyer installation, SOL : 07 70 41 47 82
-
Astrid Bouchedor, responsable de plaidoyer, Terre de Liens : 07 67 73 22 90
-
Paul Reder, président, FADEAR : 06 76 41 74 18
-
Florent Sebban, co-porte parole, MIRAMAP : 06 50 06 65 98
-
Denis Lépicier, vice-président, Réseau CIVAM : 06 04 08 38 22
-
Alan Testard, secrétaire national installation-transmission, FNAB : 07 49 64 22 05
-
Jean-Baptiste Cavalier, coordinateur national, RENETA : 06 78 53 45 58
—
[1] Agreste, recensements agricoles, 2020.