Lettre ouverte à la Ministre de l’Agriculture

Paris, le 18/02/2025

Madame la Ministre,

A votre arrivée à la tête du Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Forêt, vous avez décidé de reprendre à votre compte et en l’état la version du projet de loi d’orientation agricole proposée par votre prédécesseur et adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale.

L’objectif initial de ce projet de loi était d’apporter des réponses concrètes face à l’enjeu de renouvellement des générations agricoles. A la lecture du texte issu de l’examen au Sénat, nos organisations ne peuvent que constater l’abandon de cet engagement.

En amont de la présentation de ce texte, des concertations nationales et régionales ont rassemblé pendant 6 mois l’ensemble des acteurs de l’accompagnement à la formation, à l’installation, à la transmission et à la transition agricoles. S’agissant des volets installation-transmission, les conclusions étaient claires. Pour mémoire, voici quelques extraits :

  • Est unanimement partagée la nécessité d’une gouvernance rénovée et renforcée [de l’accompagnement à l’installation-transmission], permettant d’assurer tout à la fois un dispositif d’accueil et d’accompagnement lisible et professionnalisé de type point d’accueil (guichet) unique
  • Le foncier et ses modalités de transmission et/ou d’utilisation dans la perspective de l’installation de nouveaux agriculteurs est pointé comme un enjeu majeur de politique publique en matière de transmission

En réponse, au premier point, le gouvernement a proposé la création de France Services Agriculture (désormais France Installations-Transmissions). L’intention était de créer un service qui, grâce à une organisation et une gouvernance renouvelées, promettait de constituer un point de passage pour tous les futurs agriculteurs et cédants.

Or, malgré un nouveau nom, à ce stade, ce futur service ressemble à s’y méprendre à ce qui existe déjà sur les territoires : un parcours qui  ne permet pas d’accompagner tous les porteurs de projet et cédants, en particulier ceux ayant besoins d’un accompagnement à l’émergence de leur projet, et qui a historiquement échoué à renouveler les générations agricoles. 

Seul changement concret ? Les Chambres d’Agriculture voient leur rôle renforcé, à rebours des conclusions des concertations, mais aussi des avis et recommandations successifs (CGAAER, CESE) qui préconisent une ouverture à la pluralité des acteurs et dispositifs pour accompagner correctement la diversité des personnes et des projets.

En l’état, madame la Ministre, le cadrage législatif promet un parcours qui échouera à nouveau à répondre à la diversité des besoins. Preuve en est, alors que l’intention du gouvernement était d’établir une nouvelle formule, intégrant la diversité des acteurs et modalités d’accompagnement pour en faire un parcours unique, le passage par ce “guichet unique” n’est finalement obligatoire que pour les seules installations aidées, alors que celles-ci sont aujourd’hui minoritaires dans les installations. 

Depuis 3 ans, la mobilisation de nos associations et réseaux dans le processus PLOAA est motivée par le souhait de contribuer à la réorganisation du dispositif national, grâce à notre expérience de terrain au contact de plus d’un tiers des nouveaux installés chaque année, notamment  celles et ceux qui ne trouvent pas de réponse aux PAI.

A ce stade, un certain nombre de décisions d’ordre réglementaire permettraient de corriger le tir. Nous exigeons des garanties concrètes sur le cadrage réglementaire du parcours : réforme de la gouvernance et mise en place d’un pilotage pluraliste du FIT au niveau départemental, accompagnement à l’émergence de projet, élargissement des dispositifs d’accompagnement accessibles (test d’activité, formation pratique), et sur le financement des parcours, faute de quoi le lancement du FIT se résumera à une opération de communication sans effet concret.

Par ailleurs, le foncier agricole, pourtant central, est le grand absent du texte, ce qui a suscité l’incompréhension de nombreux parlementaires lors des différentes étapes d’examen du projet de loi. En mai dernier, les députés ont adopté l’amendement 1956, s’engageant à élaborer un projet de loi foncière en commission des affaires économiques dès l’automne 2024. Lors des débats au Sénat, vous avez conditionné cet engagement à l’évaluation de la loi Sempastous, prévue par le CGAAER en 2025.

Or, dans l’exposé des motifs de la loi Sempastous en 2021, il est mentionné que “l’ambition de ce texte est donc de mettre en oeuvre des mesures d’urgence, applicables rapidement, pour garantir la régulation du marché sociétaire et faciliter l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables. Si ces mesures ne prétendent pas à l’exhaustivité, elles constituent le premier volet d’une réforme foncière plus globale. » Autrement dit, cette loi reconnaît elle-même la nécessité d’engager rapidement des mesures foncières supplémentaires. Pourtant, la loi foncière, promise depuis 2018, tarde à voir le jour, alors même qu’elle a été identifiée comme un enjeu majeur dans les conclusions des concertations PLOAA.

La réalisation de l’objectif de 500 000 agriculteurs en 2035, fixé dans le texte mis au vote cette semaine, dépendra non seulement d’ajustements indispensables sur le texte de LOA lors de la CMP et du cadrage réglementaire de FIT, mais aussi de la qualité de cette future loi foncière.

Dans ce contexte, nous renouvelons notre demande d’entretien avant que les discussions (comitologies) sur l’organisation concrète du futur parcours à l’installation-transmission reprennent.

Vous priant d’agréer nos meilleures salutations,

Pour la FADEAR : Paul Reder, co-président

Pour le Réseau CIVAM : Denis Lépicier, référent installation-transmission

Pour la FNAB : Philippe Camburet, président

Pour le MIRAMAP : Florent Sebban, porte-parole

Pour le RENETA : Julien Kieffer et Amandine Largeaud, co-présidents

Pour SOL, Alternatives Agroécologiques et Solidaires : Jacques Godard, co-président

Pour Terre de Liens : Geneviève Bernard, présidente

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