Lettre ouverte à la nouvelle ministre de l’Agriculture

Septembre 2024

Madame la Ministre Annie Genevard,

Votre nomination au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire vous confère de grandes responsabilités : les défis sont immenses, et votre mandat doit s’inscrire dans l’urgence de réformes à la fois immédiates et structurelles. Si des mesures sont nécessaires rapidement pour améliorer le quotidien des agriculteurs et agricultrices, il est tout aussi urgent d’amorcer un virage radical de notre système agricole, marqué par des crises économiques, sociales, climatiques et sanitaires successives causées par le modèle productiviste. 

Stopper l’hémorragie des agriculteurs et agricultrices : une priorité absolue

D’ici 2030, la moitié des agriculteurs et agricultrices seront en âge de partir à la retraite. Il est essentiel que votre action se concentre sur le renouvellement des générations agricoles. La diminution du nombre de paysans menace non seulement la vitalité des campagnes et la préservation des produits du terroir, mais met à mal la biodiversité et les écosystèmes. Sans un nombre suffisant d’agriculteurs et agricultrices, il sera impossible de préserver la diversité agricole, pilier de la souveraineté alimentaire [1] de notre pays. 

Soutenir massivement l’installation de nouveaux agriculteurs et agricultrices doit donc être une priorité. Cela implique de faciliter la transmission des fermes et de proposer un accompagnement adapté aux porteurs de projets, dont plus de la moitié ne sont pas issus du milieu agricole. Ces derniers rencontrent de nombreux obstacles, tels que l’accès à la terre, le financement et le manque de formation adéquate. Pourtant, ce sont elles et eux qui portent majoritairement les projets agroécologiques essentiels à une agriculture résiliente, capable de faire face aux dérèglements climatiques. 

Par ailleurs, les conditions de travail dégradées et le mal-être croissant des agriculteurs et agricultrices doivent être abordés par une amélioration de leurs revenus.

Vers des échanges commerciaux justes et équitables

Un autre enjeu majeur pour l’agriculture réside dans les accords de libre-échange, qui constituent une menace autant pour nos agriculteurs et agricultrices en France que pour celles et ceux des autres pays. Ces accords instaurent une concurrence déloyale en permettant l’importation de produits à bas coût, souvent issus de pratiques agricoles ne respectant pas nos normes environnementales et sociales. Ils fragilisent non seulement notre agriculture mais aggravent également la dépendance économique des pays des Suds, dont l’économie locale est menacée par l’afflux de produits étrangers subventionnés. Il est essentiel de s’opposer à ces accords néfastes [2].

Depuis plus de 40 ans, SOL agit

Depuis plus de 40 ans, SOL s’engage en faveur du monde paysan et de la transition agroécologique en France et à l’international, afin de replacer entre les mains de ceux et celles qui nourrissent le monde le contrôle des semences, des terres, de la biodiversité et des ressources naturelles. Grâce à des partenariats de long terme, à la mise en réseau des acteurs et des actrices agricoles, à des actions de sensibilisation citoyenne et à un dialogue constructif avec les pouvoirs publics, SOL œuvre pour des modèles agricoles et alimentaires résilients et agroécologiques [3]

Madame la Ministre, une grande majorité de Français·es aspire à une évolution de notre modèle agricole vers plus d’agroécologie [4]. Nous espérons pouvoir compter sur votre engagement pour relever ces défis et soutenir l’agriculture dans cette nécessaire transformation.

[1] Celle-ci, telle que définie par l’ONU, repose sur des systèmes alimentaires locaux, respectueux de l’environnement et des besoins des populations.

[2] Pour plus d’information lire notre rapport : Afrique de l’Ouest – Union européenne : faire germer une coopération et des échanges agricoles équitables et durables.

[3] Nos proposition portées pendant le projet de Loi d’Orientation Agricole

[4] Sondage Terre Humanisme x Opinion Way, 2022.