Des nouvelles du projet Biofermes Sénégal
Août 2019
Implanté à Mbacké Kadior, dans la Région de Louga, le projet Biofermes Internationales Sénégal œuvre pour la dynamisation rurale et agricole sénégalaise par le biais de l’agroécologie : dans l’objectif de renforcer la sécurité alimentaire et préserver la biodiversité. La partie sénégalaise du projet a été lancée en avril 2018. Nous avons fait le bilan des activités réalisées entre cette date, et mars 2019 : après une année d’activités !
Les premiers pas de la ferme
La ferme de Nguiguiss Bamba est une ferme de démonstration et de formation agroécologique multidisciplinaire : élevage, maraîchage, pisciculture, arboriculture, grandes cultures, transformation alimentaire, et conservation-reproduction de semences. En ce sens, une partie de la ferme est dédiée aux cultures et une autre à l’accueil des animaux.
Les premiers mois du projet ont été marqués par la construction de diverses structures capables d’accueillir le matériel agricole et et les animaux. Fin mars, la construction d’une case de semences a débuté. (plantes, semences), ainsi que les animaux.
Les bâtiments de la ferme ont été construits selon la technique « super-adobe », appelés « éco-dômes » localement. Cette technique consiste à superposer des sacs contenant du sable et une très faible quantité de ciment. Les qualités écologiques, économiques et thermiques de ce système permettent notamment de garder les animaux et les semences au frais et en bonne santé. Lors de ces constructions, 300 personnes ont apporté leur aide : des villageois voisins, beaucoup de femmes, mais aussi des caravanes de volontaires venus des villes de Dakar, Ndem, Mbour…
En parallèle de la construction des bâtiments, un comité de pilotage a été formé. Composé de 10 personnes (comptant des expert·es de la zone, des agronomes, des formateur·rices, et de la chargée de projets de SOL, Yuna Salmon), il a pour mission de décider des orientations techniques et stratégiques du projet. En mars 2019, une charte agroécologique a été rédigée, afin d’encadrer les activités de la ferme.
Très vite, les populations locales ont été invitées à prendre part au projet et ont été sensibilisées à l’intérêt de la protection de l’environnement, du reboisement de la zone pour la redynamisation de l’activité agricole, et la création d’emplois ruraux. Par exemple, en mars 2019, un forum sur les semences paysannes a été organisé sur le site de la ferme, pour présenter la construction à venir d’une case de semences, expliquer son intérêt et son fonctionnement. Les communautés locales ont répondu présentes : 8 chefs de villages et leurs populations ont fait le déplacement, ainsi que les autorités religieuses de Mbacké Kadior, les agents municipaux et les élus. Beaucoup d’entre eux ont accepté de participer à l’échange de semences paysannes.
Par ailleurs, environ 200 jeunes ont été sensibilisés, dans les écoles, mais aussi à la ferme, en participant aux activités de maraîchage et de compostage et à l’entretien de la pépinière. 130 femmes ont été sensibilisées à l’importance des arbres et de la consommation responsable ; 300 personnes à la cohabitation homme/animal, tandis que 80 personnes environ ont été formées à l’agroforesterie, au plantage, à l’arrosage, à l’empaillage et au taillage des arbres.
Une émission de télévision d’une heure et demie a même été diffusée au Sénégal : « Diazboul Mourid » expliquant les impacts sociaux et environnementaux que le projet Nguiguiss Bamba porte à l’avantage des populations locales.
Pour finir, sur cette période, plus de 500 personnes ont pu visiter la ferme et être sensibilisées à l’agroécologie et à l’intérêt du projet pour la zone, en termes d’alimentation, d’emploi, de résilience au dérèglement climatique, de solidarité et de qualité de vie.
Maraîchage agroécologique et reboisement de la zone
La ferme de Nguiguiss Bamba formera dans les deux prochaines années 200 personnes à l’agroécologie. Afin d’assurer ces formations, 13 apprentis formateurs ont été identifiés lors de cette période : ils sont également chargés des expérimentations, du suivi et de l’entretien de la pépinière, des cultures et de l’élevage.
L’un des objectifs primordiaux du projet est le reboisement de la zone : il s’agit de planter des arbres et des végétaux pour reculer l’avancée du désert. Ce reboisement a plusieurs utilités : d’abord, il permet de maintenir un sol terreux, sur lequel il est possible de cultiver, de maintenir la fraîcheur du sol et des nappes-phréatiques à proximité car la qualité du sol s’est énormément dégradée du fait de cette avancée, acidifiant la terre et salinisant l’eau. Les arbres permettent également de régénérer la biodiversité.
En vue de ce reboisement, une pépinière a été créée. Même si certains ont été achetés, 2 000 arbres ont au total été plantés. Une centaine en a été donnée aux villages voisins. La pépinière a permis la pousse des semis de plantes locales menacées ou en voie de disparition, dont au moins 25 variétés, parmi lesquelles : Kadd, Nguiguiss, Carasol, variétés de manguiers, de cocotiers, de cotonniers, etc…
Des cultures ont débuté en été 2018 : le manioc a été planté pendant la saison sèche, ne nécessitant pas d’arrosage. Aucun intrant n’a été utilisé grâce aux techniques de désherbage, de labour et de binage. Ainsi 15 sacs de 50 kg de manioc ont pu être distribués à 4 villages voisins, soit à environ 200 personnes, ainsi que des boutures, pour aider à la multiplication du manioc.
L’arachide et le haricot niébé ont quant à eux été semés pendant la saison des pluies par semoir à traction animale. Un fumier à base de bouse de vache et d’herbes séchées a été épandu. Un labour, un désherbage et un binage par traction animale avec charrue artisanale ont été pratiqués de façon expérimentale sur les cultures. La technique utilisée a été efficace mais le manque de pluie pendant la saison a causé la perte de nombreux haricots…
En parallèle, des expérimentations de compost ont été menées : compost liquide, solide et vermi-compost, pratiqués à partir de ressources naturelles et locales. Ils ont été très efficaces : ces expériences ont donc été documentées dans l’objectif d’être partagées.
Des visites d’expérience et d’échanges ont été organisées pour les acteur·rices du projet : 4 fermes agroécologiques ont été visitées dans les environs, ainsi qu’une case de semences.
Nous avons également participé à la Foire de Semences de Djimini. Ces visites et ces échanges permettent avant tout de renforcer le réseau agroécologique sénéglais et permet aux paysan·nes et aux acteur·rices du projet de partager leurs idées, leurs bonnes pratiques et d’essaimer un maximum ces initiatives. Ces visites ont permis notamment aux paysan·nes d’échanger sur la présence de ravageurs sur les cultures : criquets, termites, lapins, écureuils…
Formation et expérimentation en élevage agroécologique
Entre juillet 2018 et février 2019, la ferme s’est équipée de divers habitats : étable, bergerie, poulailler, volailler et pigeonnier/lapinière, à la suite de quoi sont arrivés 10 brebis, 2 béliers, 10 chèvres et 3 boucs, 7 pintades et autant de canards, 5 oies, 10 pigeons et 15 lapins ! Chaque abri dispose d’une cour qui permet aux animaux de circuler librement en intérieur et en extérieur.
3 bassins d’aquaculture ont également été construits: deux d’entre eux sont destinés à la pisciculture, avec une capacité d’accueil d’environ 1 000 poissons. Le dernier installé sert notamment à l’arrosage des cultures, enrichi par la matière organique des poissons. La plupart des animaux sont alimentés grâce aux productions de la ferme et notamment aux résidus de culture comme la paille d’arachide par exemple. Quelques denrées sont néanmoins achetées en extérieur, comme les tourteaux d’arachides et autres aliments concentrés, en attendant la construction de l’unité de transformation prévue dans l’année qui suit.
A partir de l’hivernage 2019 (saison des pluies), les poules et les vaches seront accueillies à la ferme, c’est-à-dire lorsque la disponibilité alimentaire sera meilleure.
Afin de soutenir au mieux le lancement de ce projet, la Responsable des Programmes de SOL s’est rendue 3 fois à Mbacké Kadior entre mars 2018 et mars 2019. En septembre 2018, une Chargée de Projets Afrique a été recrutée, et s’est installée au Sénégal dès le mois de janvier 2019, afin de suivre les projets directement sur place.
Depuis le mois de mars 2019, de nombreuses autres activités ont occupé la ferme comme : un projet de forage en cours, afin d’alimenter durablement la zone en eau potable et de permettre l’irrigation des arbres et des cultures maraichères, mais aussi le commencement des expérimentations maraîchères avec une première récolte de tomates très prometteuse ! Les premières formations en agroécologie et visites d’expériences avec les apprentis-formateurs ont également eu lieu, et la case de semences a été construite.
De nombreuses autres perspectives restent à venir pour ce projet, qui réussit autant à la zone qu’il séduit les populations locales !