Edito de Campagne – Arrêtons de solder notre planète
Juin 2019
Le 26 juin commencent les soldes. Une tradition qui marque le début de l’été depuis un bon nombre d’années en France et ailleurs dans le monde. Ce moment est réglé comme du papier à musique. Les -30, -50 ou -70 % fleurissent partout sur la toile, dans les vitrines et sur les étiquettes de nos produits, favorisant le plus souvent une consommation sans fin.
En faisant chauffer nos cartes bleues, nous oublions que ça chauffe tout simplement pour la planète ! Alors ne serait-il pas temps de vivre et consommer différemment ? La campagne que lance l’association SOL est un cri d’alerte qui nous concerne toutes et tous, dans notre quotidien et notre avenir.
Une terre à soigner, une agriculture à modifier
Parlons pour commencer de la terre, à l’origine des aliments que nous avons dans nos assiettes ! 23 % des terres ont connu une réduction de leur productivité en raison de la dégradation des sols ces 50 dernières années [1]. Ceci s’explique notamment par le modèle agricole dit « conventionnel » qui est la norme aujourd’hui dans de nombreux pays. La production intensive, mécanisée et les intrants utilisés épuisent nos sols.
De plus, ces 40 dernières années, nous avons perdu près d’1/3 des terres arables[2] du fait de l’urbanisation de plus en plus forte partout dans le monde.
En parallèle, nous pouvons constater une augmentation de la production de cultures vivrières industrielles de près de 300 %[3] depuis 1970. Pourtant 10 % de l’humanité souffre toujours de la faim[4]. De plus, une telle augmentation de la production alimentaire ne garantit pas pour autant la sécurité alimentaire des pays, n’étant accessible qu’à une partie de la population.
Le modèle actuel d’ailleurs soulève de nombreuses problématiques et use de ressources vitales pour notre survie. Ainsi 75 % des ressources en eau mondiale sont destinées à l’agriculture ou à l’élevage alors que 11 % de la population n’a toujours pas accès à l’eau potable sur la planète[5] . Un modèle agricole alternatif, biologique et agroécologique, plus adapté au territoire, au sol, au climat et à taille humaine favoriserait la préservation de telles ressources.
Pour finir, la mainmise de quelques entreprises de l’agrochimie sur les semences et l’imposition légale de suivre le catalogue national empêche les agriculteurs, ayant tous types de tailles d’exploitation, à cultiver les variétés de semences de leur choix. Les agriculteurs, ne peuvent pas acheter de semences paysannes pour leur activité économique, contrairement aux semences hybrides vendus par ces firmes. Le poids de ces dernières a alors pour conséquences : l’uniformisation du paysage agricole et l’augmentation de la dépendance des agriculteurs tout en privatisant le vivant. D’ailleurs, les intrants, le plus souvent chimiques, utilisés dans nos champs sont vendus par ces mêmes entreprises ! Cet oligopole entrave l’autonomie des personnes qui produisent notre alimentation et ainsi notre souveraineté alimentaire. A titre d’exemple, 90 % de la génétique des cinq cultures principales mondiales est contrôlée par Monsanto[6]. La même entreprise qui a été reconnue coupable de crime d’Ecocide, en 2017 par le Tribunal citoyen international qui s’est tenu à La Haye.
Un environnement à protéger
Nos pratiques et nos systèmes industriels et alimentaires ont alors un véritable impact sur notre environnement : climat, faune et flore sont touchés.
Ainsi 25 % des émissions de gaz à effet de serre sont causés par les activités agricoles (comme l’élevage intensif, la création et l’utilisation d’engrais synthétiques et de produits phytosanitaires, …)[7]. Leur augmentation a un impact direct sur le changement climatique.
L’activité humaine, nos pratiques agricoles et l’augmentation des conditions climatiques extrêmes ont aussi un impact sur les autres espèces vivantes. Ainsi 12,5 % de l’ensemble des espèces terrestres sont menacées d’extinction à court terme (soit 1 sur 8)[8] : cela va de la plante aux grands mammifères, en passant par les insectes. Un subtil équilibre est ainsi en train de s’effondrer. Pour donner un exemple précis et proche de nos champs : près 1/3 des espèces d’oiseaux des milieux agricoles ont disparu entre 1989 et 2017 en France[9] . En cause surtout : les intrants chimiques, la disparition de leur milieu de vie en faveur d’espaces agricoles toujours plus grands, ouverts, uniformes et la diminution du nombre d’insectes leur permettant de s’alimenter.
D’ailleurs, la disparition de cette faune minuscule mais essentielle (comme les abeilles) est un véritable problème pour la pollinisation de nos cultures. Ainsi 75 % des types de cultures vivrières mondiales dépendent de l’action de certains insectes pour permettre de transporter leur pollen et féconder leurs fleurs alors que 40 % de ces pollinisateurs sont menacés d’extinction[10] !
De là à parler des plantes elles-mêmes, il n’y a qu’un pas ! Là encore, il y a beaucoup à dire. Nous avons tous et toutes à l’esprit l’ours blanc sur sa banquise, menacé par le changement climatique. Les plantes nécessiteraient également cette attention : ce sont des arbres, des plants de légumes, des fleurs, des tubercules ou même des herbes sauvages … qui disparaissent discrètement mais surement. Aujourd’hui, près de 21 % des espèces végétales sont menacées d’extinction (soit 1 sur 5)[11] .
Enfin, que dire de ces plantes qui nous nourrissent ? 66 % de la production agricole mondiale est dédiée à seulement 9 espèces alimentaires que sont : la canne à sucre, le maïs, le riz, le blé, la pomme de terre, le soja, la noix de palme, la betterave à sucre et le manioc. Pourtant 6 000 espèces alimentaires sont aujourd’hui identifiées[12]. La standardisation de notre alimentation, le modèle conventionnel au niveau mondial et la réglementation ont imposé ce système. Cette spécialisation a créé un cercle vicieux qui entraîne aujourd’hui encore une perte notable de notre biodiversité. Le constat est alors sans appel : nous avons perdu 75 % de la biodiversité cultivée entre 1900 et 2000, soit ¾ en l’espace de 100 ans[13] !
Ces lignes ne sont pas une liste non-exhaustive de chiffres et n’ont pas pour objectif de vous empêcher de dormir ! Elles ont pour but d’alerter chacun et chacune car il est urgent d’accompagner le changement et de se mettre en mouvement. Ce dernier est bien là : de nombreuses personnes et organisations, comme SOL, agissent depuis des années à leur échelle et avec leur moyen pour être ces graines du changement. Leurs projets et actions ont démontré leur efficacité. Face à une urgence mondiale, chacun et chacune est concerné. Nous croyons que nous pouvons faire mieux, ensemble ! Accompagner le développement d’alternatives agricoles qui ont déjà fait leur preuve est la clé de voûte d’un changement systémique vers le modèle de demain.
L’équipe de SOL
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Sources :
[1] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
[2] Journal de l’environnement (cite étude de l’Université de Sheffield) : http://www.journaldelenvironnement.net/article/un-tiers-des-terres-arables-mondiales-perdues,64848
[3] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
[4] Observatoire des inégalités : https://www.inegalites.fr/La-faim-dans-le-monde
[5] Observatoire des inégalités : https://www.inegalites.fr/L-acces-a-l-eau-potable-dans-le-monde
[6] Graines de troc : http://www.grainesdetroc.fr/article.php?id=43
[7] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr et FAO : http://www.fao.org/news/story/fr/item/216994/icode/
[8] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
[9] Observatoire National de la Biodiversité (ONB) http://isere.lpo.fr/wp-content/uploads/2019/02/Annexe-3-Rapport-ONB-2018.pdf
[10] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES) : https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr
[11] State of the World’s Plants 2017 par les Kew Royal Botanic Garden : http://stateoftheworldsplants.org
[12] Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : http://www.fao.org/3/CA2227FR/ca2227fr.pdf et http://www.fao.org/3/V1430F/V1430F04.htm
[13] Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) : http://www.fao.org/3/V1430F/V1430F04.htm et http://www.fao.org/news/story/fr/item/46804/icode/