Apéro Thématique [Jai Jagat] Une marche pour tout changer
Décembre 2018
Le mercredi 28 Novembre dernier, dans la salle Jean Dame ( mairie Paris 2e), le CRID et SOL ont accueilli de nombreux acteurs de la solidarité internationale lors d’une soirée-débat autour de la « Jai Jagat 2020 », une grande marche des plus démunis qui reliera Delhi à Genève entre Octobre 2019 et Septembre 2020.
Autour de la table étaient présents : Rajagopal P.V. (porte-parole d’Ekta Parishad et initiateur de la Jai Jagat), Sissoko Anzoumane (porte-parole de la Coalition internationale des sans-papiers et migrants), Clotilde Bato (déléguée générale de SOL), Sébastien Bailleul (délégué général du CRID), Christiane Botbol (membre d’ATD Quart Monde) et Pauline Boyer (membre d’ANV-COP21 et du Mouvement Alternatiba). La soirée était animée par Bénédicte Manier (journaliste spécialiste de l’Inde) et a été introduite par Rajagopal.
Il était une fois, la Jai Jagat…
Le porte-parole d’Ekta Parishad pose le contexte en expliquant que la mondialisation a eu un impact extrêmement négatif sur les populations : de nombreux habitants ont été privés de leurs terres et donc de leurs ressources qui ont été saisies par les multinationales. Il y a donc une nécessité d’instaurer un dialogue avec ces entreprises à l’échelle mondiale pour donner aux générations futures l’opportunité de retrouver leurs espaces et de s’investir localement dans leur pays. C’est sur la base de ces constats que la Jai Jagat s’est mise en place.
A l’origine, Jai Jagat signifie « victoire de tous », victoire de la planète. Cette marche est une nouvelle forme de mobilisation mondiale pour les organisations et surtout pour les populations locales. Elle s’étale sur 8 500km à travers 17 pays et donnera rendez-vous aux marcheurs le 25 septembre 2020, à Genève. Pourquoi Genève ? Véritable symbole politique, cette ville est le siège de puissantes institutions telles que l’OMC, le FMI mais surtout des Nations-Unies.
L’objectif de la marche ?
« Les populations les plus pauvres doivent s’organiser ensemble pour changer la situation. On peut être pauvre d’un point de vue économique mais riche d’un point de vue spirituel. Nous voulons rassembler ces populations pour lutter contre la pauvreté économique face aux politiques », annonce Rajagopal. L’initiateur de la marche énonce ensuite les 4 piliers sur lesquels repose la marche solidaire :
- la force des populations les plus pauvres, qui vont pouvoir changer le processus localement,
- le pouvoir des populations les plus jeunes, celles qui doivent s’éveiller pour changer la situation de leur pays,
- la solidarité
- et enfin, le fil directeur de la soirée : les actions non-violentes, à l’origine de nombreux changements sociaux.
Le but de cette marche est donc de redonner du pouvoir aux citoyens, aux organisations, aux associations, et à tous les acteurs du changement qui souhaitent se soulever et prendre la parole de manière non-violente dans une lutte pour la justice : qu’elle soit sociale, économique, environnementale ou morale.
Christiane Botbol, intervenante et porte-parole de ATD Quart Monde rejoint Rajagopal sur l’idée qu’il faut mettre les plus démunis au cœur des revendications. Elle insiste sur le fait que cette grande marche ne pourra fonctionner que si les plus pauvres s’emparent de ces espaces de dialogues lors des différentes étapes de la marche afin d’échanger entre agriculteurs, migrants, élus locaux et citoyens.
Au sujet du deuxième pilier, les populations les plus jeunes sont en effet au cœur des actions déjà mises en place par Ekta Parishad en Inde. L’exode rural devient de plus en plus courant et génère un abandon des terres et des ressources par les populations qui finissent par vivre dans les bidonvilles. L’association a créé un programme rural-urbain qui cherche à impliquer les jeunes des zones urbaines et à les sensibiliser à ce qu’il se passe dans les zones rurales.
Pour répondre à ces enjeux liés à la justice, la Jai Jagat saisit l’opportunité d’instaurer un dialogue avec les Nations-Unies, au moment où l’institution préconise des objectifs de développement durable, que sont : « l’éradication de la pauvreté », « la lutte contre l’exclusion », « la paix et la sécurité » et « la crise planétaire et la crise du climat ».
Rajagopal avait déjà instauré le dialogue avec les décideurs politiques en Inde, sur la nécessité d’arrêter l’urbanisation des territoires au détriment de la préservation des villages. Ekta Parishad encourage aussi les maires à prendre leurs responsabilités et à analyser le monde à travers le spectre de la non-violence en favorisant la communication avec les populations locales.
De nombreux acteurs des mouvements non-violents rassemblés autour des enjeux de solidarité internationale !
A l’image des grandes marches indiennes non-violentes initiées par le mouvement Ekta Parishad entre 2007 et 2012, la Jai Jagat 2020 s’adresse à tous les exclus de la mondialisation et celles et ceux pour qui un autre monde est possible. Lutte contre la précarité, souveraineté alimentaire, justice climatique, désobéissance civile : de nombreuses thématiques sont portées par les mouvements sociaux.
Si Rajagopal a amorcé le mouvement en Inde, il insiste : « il ne s’agit pas d’une marche Indienne ». C’est ainsi que de nombreux acteurs présents à la soirée-débat nous témoignent leur engagement et leur engouement autour de cette marche mondiale, aux enjeux multiples.
C’est en premier lieu Clotilde BATO, Déléguée Générale de l’association SOL qui prend la parole pour affirmer qu’un des objectifs de l’organisation est de porter ce type d’événements nationalement en France. L’association, qui appuie déjà des mouvements paysans à l’international, a pour vocation de défaire les modèles de société existants et s’efforce de redonner de l’autonomie aux petits paysans en France, en Inde et au Sénégal. Pour Clotilde, la Jai Jagat représente une marche de convergence des peuples, celle des alternatives au système actuel.
C’est ensuite Pauline Boyer ( membre d’Action Non-Violente COP21 [ANV – COP 21] et Alternatiba) qui prend la parole pour partager sa vision sur la Jai Jagat :
« 2020 est une date assez fatidique pour le climat puisqu’on doit avoir atteint un seuil d’augmentation de gaz à effet de serre mondial. C’est donc symbolique d’avoir une marche internationale cette année là. C’est sur les territoires que se trouvent les alternatives, les graines d’une société soutenable et plus juste. Cette marche va permettre de lancer des dynamiques pour crééer du lien, des alliances entre les mouvements qui bataillent, et entre les porteurs du changement : les porteurs d’un message d’espoir. Il faut se donner du courage. »
Cet été, le Tour Alternatiba avait sillonné à vélo 200 territoires dans 5 pays européens pendant 4 mois et rassemblé 77 000 personnes autour des alternatives qui construisent un nouveau modèle de société, et formé plus de 2400 personnes à l’action non-violente de désobéissance civile.
Pour Pauline, un mouvement citoyen massif et non-violent doit émerger pour contraindre les dirigeants à prendre des mesures à la hauteur de l’urgence climatique et sociale et faire émerger une société soutenable. Elle insiste sur le fait que nous avons besoin de ces projets de mobilisation citoyenne de grande ampleur et de la culture de la non-violence pour bouleverser et éveiller les consciences et soutient ainsi la Jai Jagat.
C’est ensuite au tour d’Anzoumane Sissoko de s’exprimer au nom de la Coalition internationale des sans-papiers et des migrants, mouvement coordonnant des collectifs de migrants sans papiers demandeurs d’asile dans plus de 10 pays. Cet acteur du changement est engagé depuis des années dans la mise en place de grandes marches non-violentes destinées à répondre à des enjeux de justice sociale et de liberté de circulation des personnes. Il a notamment coordonné une grande marche européenne dans 11 pays de même que la marche de la Méditerranée en 2013.
Enfin,Sébastien Bailleul, du CRID, inscrit la Jai Jagat dans une démarche qui porte les délégations françaises à l’échelle mondiale : droits humains, migrations, justice climatique… Pour lui, la Jai Jagat fait son entrée dans l’Histoire, celle des cultures de marches mobilisatrices et transformatrices : marche du sel de Gandhi, marche de lutter King, marche des sans-papiers, marche des beurs, caravanes de migrants, marches du retour à Gaza… La Jai Jagat peut renouveler les formes d’engagement et porter de nouvelles alternatives en interpellant la sphère politique. Sébastien défend la légitimité de la Jai Jagat dans un contexte français de luttes en cours sur tout le territoire (gilets jaunes).
Un dernier mot ?
Rajagopal a conclu la soirée-débat par deux citations très inspirantes :
« Si on n’est pas indiffèrent, on peut changer le monde et devenir différent »
« On ne veut ni du silence ni de la violence, mais de la non-violence active »
Article réalisé par Manon Raulet, bénévole de l’Association SOL
Pour aller plus loin, découvrez le site Internet officiel de la Jai Jagat 2020 en cliquant ICI & la page du site Internet de SOL dédiée à la Jai Jagat 2020 en cliquant ICI
Une soirée soutenue par :
La Mairie du 2e arrondissement
La fondation Léa Nature
Kaoka
Jai Jagat Genève
Ekta Parishad